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bonheur, tu ne vas pas me supposer assez lâche…

— Non ! je t’estime, je te connais. Eh bien, vous avez raison tous deux. Il faut refuser M. de Montroger. Je comptais vous prier de le faire.

Et, comme nous la regardions avec surprise, elle ajouta en éclatant de rire :

— Ah ! vous ne comprenez pas ? Eh bien, je vais m’expliquer. Je connais ses irrésolutions, sa faiblesse, sa lâcheté, si vous voulez que je me serve de ce mot-là. Il m’avait fait la cour assez sérieusement aux soirées d’ici et dans les parties de campagne où nous nous sommes rencontrés. J’ai toujours affecté de ne rien prendre au sérieux et de me moquer de lui. Nous n’avons parlé raisonnablement que le jour où il m’a parlé de Célie dans la douleur. Je ne lui ai pas reproché d’avoir joué avec moi auparavant comme avec une petite sotte. Il a senti ma générosité, et je le tiens par là ; mais il ne me convient pas de le voir hésiter ou se repentir à la veille du mariage. Il me convient encore moins de passer pour un pis aller aux yeux du monde. Il me convient, au contraire, qu’il soit puni de ses premières velléités par un refus, qu’il en soit surpris, mortifié, et qu’il en ait du chagrin. Il convient qu’il insiste auprès de moi et qu’il subisse l’épreuve du temps ; enfin j’entends qu’il m’épouse après une passion… moins longue que celle qu’il a eue pour Célie, — il serait peut-être chauve ! — mais assez violente pour assurer mon triomphe et mon ascendant sur lui dans l’avenir.

Elle exigea, comme condition à l’assentiment momentané qu’elle donnait au refus de sa mère, que le billet qui congédiait Montroger fût replacé dans la cachette accoutumée. Ma tante eût voulu lui faire