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courir parmi les fleurs, comme de folâtres noctuelles. Le receveur général avec son fils, qui était un très-jeune garçon d’une jolie figure, les suivit sans affectation ; tous deux étaient vifs et enjoués. On entendit bientôt ce jeune monde rire aux éclats et babiller avec des voix claires et perçantes. M. de Montroger, que je voyais pour la première fois, me proposa de fumer un cigare avec lui ; mais pas plus que moi il n’avait envie de s’éloigner de la châtelaine, car il ne mit entre elle et nous que la distance de quelques marches du grand escalier, et nous revînmes bientôt nous mêler à la conversation qui s’était engagée entre elle et les personnes plus âgées qui n’avaient pas quitté leurs sièges. Parmi ces personnes très-graves d’allures et dont la causerie n’avait rien de bien récréatif, j’écoutai pourtant avec intérêt le vieux M. Bellac, qui me parut dépasser de beaucoup en esprit et en jugement le niveau de cet entourage effacé ou alangui par le bien-être de la vie de province ; mais le bonhomme était d’une extrême modestie et ne parlait que quand on l’y obligeait par des questions directes. Ma tante, qui n’était pas encore engourdie par la villégiature, savait fort bien causer ; mais elle était distraite ce soir-là par l’entrevue de sa fille avec le fils du financier, et, bien qu’elle se fût promis de laisser tout aller au gré de la Providence, elle écoutait ce qui se criait sur la seconde terrasse beaucoup plus que ce qui se disait autour d’elle. Elle n’y put tenir longtemps ; il lui semblait qu’Erneste, ordinairement si endormie au château de la Canielle, était ce soir-là d’une gaieté impétueuse. Elle descendit pour en savoir la cause, et, les autres personnes s’étant lancées dans une causerie de localité, qui n’avait pour moi aucun