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obstiné, fantasque. Célie croit que ce sont ses emportements et ses irrésolutions qui ont causé la terrible maladie qu’elle vient de faire. Moi, je n’en suis pas si persuadée que cela, et j’ai ôté ce remords à Montroger pour l’empêcher de se brûler la cervelle. Vous souriez ? Vous croyez qu’il n’aurait pas eu ce courage ? Vous vous trompez. Je l’ai vu dans des crises affreuses. Je l’ai raisonné, grondé, sermonné, j’ai été sa confidente et sa consolatrice. Il n’y a pas un mot de moi, il n’est question que de Célie dans mes lettres. Il eût pu les garder et les montrer à l’univers entier sans me faire le moindre tort. Si je les lui ai reprises, c’est que je tenais à vous les faire lire le jour où il viendrait vous demander ma main. Or, il y viendra avant qu’il soit huit jours, je vous le déclare, parce que nos courts entretiens ou l’échange de nos billets de chaque soir sont devenus pour lui un besoin, une habitude. Est-il amoureux de moi ? Il n’en sait rien, et, moi, je n’en suis pas sûre ; je sais seulement que je lui suis devenue nécessaire, que je l’ai plaint, lui que personne ne plaignait plus, que je me suis emparée tout naturellement de sa confiance, enfin que mon esprit a relevé le sien et le gouverne en attendant qu’il le domine. Tenez, maman, ajouta-t-elle, je vous ai assez tourmentée, il fallait bien punir un peu M. Armand de sa trahison et de ses menaces. Pardonnez-moi le chagrin que je vous ai causé, et consolez-vous un peu en lisant les lettres de Montroger. Venez au chalet, c’est là qu’elles sont cachées avec les miennes. Vous y verrez que je n’ai été ni légère ni coquette, et que je n’ai pas reçu la moindre déclaration. — Venez aussi, Armand ; je veux vous prouver que votre ennemi n’a pas seulement songé à