Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/294

Cette page n’a pas encore été corrigée

rée et menacée. Et puis c’étaient les pêcheurs de la Canielle qui m’amenaient ma barque, et je vous y voyais mort, couvert de sang. Je suis tombée et je n’ai plus eu conscience de rien. À présent, je suis bien, très-bien, vous êtes- là,… tout m’est indifférent. Adieu !

Après ce récit, dix fois entrecoupé, et durant lequel ma parole ne semblait pas arriver à son oreille, elle laissa retomber sur mon épaule sa tête charmante, dont les joues vivement colorées contrastaient avec la blancheur livide des autres parties de son visage. Ses yeux essayèrent en vain de se fixer sur moi, ils se fermèrent sous le coup d’une lassitude invincible ; elle dormait d’un sommeil effrayant avec des tressaillements convulsifs et des sourires douloureux. Je rappelai Stéphen. Elle était bien sérieusement malade ; il fallait aviser à la secourir, mais comment la transporter chez elle ?

— Vous allez rester là, me dit-il, je cours avertir M. Bellac. Il sait tout ; il sauvera tout.

Avec qu’elle anxiété j’attendis son retour ! Célie dormait toujours, si c’est dormir que d’être vaincu par la fièvre en murmurant d’une voix éteinte des paroles inintelligibles. Quelle foudroyante puissance que celle de la maladie ! Dans les romans de convention et dans les scènes de théâtre, l’amour et la joie font le prodige de chasser l’implacable étreinte du délire ou delà stupeur ; mais dans la réalité combien le dévouement le plus ardent arrache peu de miracles à l’impitoyable destinée ! J’étais comme glacé de terreur en trouvant tout à coup Célie insensible à mes larmes et à mes prières. Comme un fou, je lui demandais de vivre, de guérir, de me voir et de m’entendre. Son