Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/292

Cette page n’a pas encore été corrigée

suffisamment la première fois. J’allais essayer de la pousser quand ma main fut saisie par une main vigoureuse. Était-ce Montroger ? La nuit n’était pas très-claire, et l’ombre qui nous enveloppait ne nous permettait pas de nous reconnaître ; mais cette main rude, sur laquelle j’appliquai vivement mon autre main pour la paralyser, n’était pas celle du gentilhomme soigneux de son épiderme. Je ne sais à quoi mon adversaire me reconnut, mais il me dit à voix basse :

— Comment, c’est vous ? Je vous prenais pour l’autre !

C’était la voix de Stéphen. En deux mots, il m’apprit qu’étant monté sur la falaise pour se promener, il m’avait vu passer le long du mur. Il avait pensé à Montroger, essayant de s’introduire par dépit du refus essuyé la veille. Il m’avait suivi à distance, et il s’était jeté sur moi, croyant déjouer les projets de mon rival.

Je lui confiai que je comptais aller chez lui, et il était sur le point de me quitter quand un faible soupir que je crus entendre de l’autre côté de la porte me fit tressaillir. Nous prêtâmes l’oreille : rien ; mais j’avais l’esprit frappé, il m’eût été impossible de passer outre.

— Essayez d’entrer, me dit Stéphen, ce n’est peut-être pas fermé.

Je poussai la porte, qui céda sans bruit, et je vis une forme blanche étendue sur le sable à mes pieds. C’était Célie froide, inanimée, morte peut-être ! peut-être épiée et surprise là par Montroger, qui l’avait assassinée ! Tout ce que l’imagination peut improviser de plus tragique se présenta tumultueusement à la mienne. Averti par le cri étouffé qui m’échappait,