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déclaration, et ne répandez pas de faux bruits, si vous voulez que je continue à vous voir.

La dame ne répliqua rien, elle n’était pas bien fière ; elle profita de l’avis en effet, et encouragea de la parole et du regard les coquetteries de sa fille à l’adresse de Montroger. Il se laissa faire, il passait doucement de la période du vin grave et respectueux à celle du vin tendre, semi-galant, semi-paternel ; mais, s’il prenait plaisir à être le point de mire de la plus jolie personne du pays, il n’en avait pas moins des réveils de jalousie intérieure qui lui faisaient voir et entendre tous les mouvements, toutes les paroles de Célie. Il était rompu à cet exercice. Quand il se fut bien assuré qu’il n’y avait rien à surprendre, il s’égaya jusqu’à aider la petite Malbois à se compromettre par sa pétulance. Dans un moment où l’on traversait la salle voisine pour aller prendre le thé, je le vis effleurer d’un baiser la longue boucle de cheveux noirs qu’elle faisait flotter et voltiger sur son épaule. Montroger était complet. Ce n’était pas son heure de duel ou de suicide.

Cette velléité de coquetterie ou de volupté satisfaite, je le vis promener avec anxiété ses gros yeux sur les personnes réunies autour de la table à thé. Sa figure était transparente. Il s’attendait peut-être à ce que Célie, dont il avait véritablement peur depuis la veille, lui fît la terrible surprise d’annoncer son mariage avec moi. Quand il fut bien persuadé qu’elle ne l’avait pas fait et ne comptait pas le faire, et quand il vit que je n’inspirais à personne le plus léger soupçon de ce genre, il respira, et, en se retirant, il baisa avec effusion la main de Célie, en lui disant tout bas :

— Vous êtes un ange !