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Il fut convenu avec Stéphen qu’il irait m’attendre au hameau de la Canielle, et je vis partir Célie avec M. Bellac. Une autre chaise de poste emmena, dix minutes après, Montroger avec Stéphen. Le pauvre gentilhomme s’était instinctivement réveillé de sa torpeur en voyant partir mademoiselle Merquem.

— Et vous ? me dit-il en s’apprêtant à monter en voiture.

— Moi, je ne pars pas aujourd’hui, répondis-je froidement.

Une lueur de contentement éclaira son visage terne, et il se rendormit, au bout de trois tours de roue, sur sa dernière illusion.

J’ai su dès le lendemain par Stéphen tout ce qui s’était passé dans la soirée. Je peux les suivre. L’ivresse était dissipée quand ils arrivèrent à Montroger. Le châtelain, sans faire aucune allusion au projet qu’il avait exprimé de nous réunir tous et qu’il avait peut-être oublié, retint Stéphen à dîner, et celui-ci, que j’avais chargé de le surveiller au moral et au physique, accepta l’invitation. Il était neuf heures du soir quand ils sortirent de table ; Montroger s’était observé, et il avait été apparent pour Stéphen qu’il avait cherché à le griser, espérant lui faire dire ce qu’il pouvait savoir des nouveaux projets de mademoiselle Merquem. Un peu dépité de n’y pas réussir, il lui proposa pourtant avec beaucoup d’insistance de le reconduire à son gîte. Stéphen comprit qu’il cherchait un prétexte pour aller à la Canielle : il refusa, prit congé et partit à pied ; mais, quand il fut arrivé devant la grille du château, il entendit venir une voiture et s’arrêta à trois pas pour observer. C’était l’équipage de Montroger. Celui-ci mit pied à terre et