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vaincrai ce démon, et, comme je vois bien qu’il me tuerait, je veux le tuer. Donc, nous allons retourner chacun chez nous. Je ne dirai rien, je ne me plaindrai à personne. Je souffrirai en silence, et vous annoncerez votre mariage quand et comme vous l’entendrez. Êtes-vous content de moi ?

— Non.

— Comment, non ? Que puis-je faire de plus ?

— Vous pouvez, en supprimant votre dépit et en combattant votre chagrin, donner à vos amis un bonheur complet et réel, qu’ils ne peuvent goûter sans cela.

— Je peux, je peux ! Vraiment, vous êtes fou, mon cher !

— Je suis dans le vrai, au contraire.

— Non, vous êtes dans l’idéal ! C’est avec ces romans-là que vous avez tourné la tête de Célie. Elle croit naturels et possibles tous les miracles que vous lui promettez et que vous ne lui ferez pas faire. Ni vous ni elle ne me persuaderez jamais que je doive être enchanté d’un bonheur qu’elle me refuse et que vous me volez. Je peux me sacrifier par point d’honneur, par savoir-vivre ; mais n’en pas devenir fou de rage et de douleur, voilà ce qu’il m’est impossible de vous promettre.

— Il est évident que, si vous parlez ainsi à mademoiselle Merquem, c’est lui dire clairement, à elle qui veut vous épargner la souffrance du sacrifice : « J’accepte tout à la condition que vous ne profiterez de rien. »

— Vous allez me dire que je suis un égoïste ? Vous me l’avez déjà dit, et très-durement, je m’en souviens, et cela m’a tellement blessé, que j’ai failli en mourir.