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de clématites et de ronces protègent la maturité des fruits et des légumes dans des conditions qui ailleurs leur sembleraient préjudiciables, et vont trouver la clôture du voisin pour s’y enlacer en bons camarades, ignorants du tien ou du mien.

La valleuse d’Yport est un adorable spécimen de ces oasis qui apportent leur belle végétation et leur doux climat abrité jusqu’à la lisière écumante des vagues. De toutes celles que j’avais parcourues, aucune ne me parut plus agreste et plus caractérisée. À cette époque, il n’y avait encore ni bains de mer, ni villas, ni chalets. Ceux d’aujourd’hui n’ont rien gâté encore, mais gare la vogue, les bourgeois et les Anglais, quand ils apporteront dans ce lieu enchanté les fausses ruines et les ridicules forteresses féodales dont ils ont embastillé la valleuse d’Étretat, les collines d’Hyères, et tous nos rivages !

Ainsi que mademoiselle Merquem me l’avait annoncé, le village n’était habité que par des pêcheurs, et je retrouvais là la belle et forte race des mariniers de la Canielle. Il y avait entre eux cette différence, que, grâce aux dons de terrain et aux conseils de l’amiral, les Caniélois s’étaient décidés à cultiver de petits jardins et à comprendre les douceurs de la vie semi-pastorale. À Yport, les maisons des pêcheurs, soudées les unes aux autres, aussi près que possible de la petite plage, faisaient un divorce évident avec celles des paysans maraîchers, éparses dans les vergers environnants. On voyait là, dans toute sa rudesse, le dédain de la race marinière pour les jouissances de la terre ferme. Tandis qu’au bord de la Méditerranée le vieux matelot s’adonne à la construction prétentieuse de la bastide et à la culture des plantes afri-