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de défense. Je n’en connais pas d’autre, car je ne saurais pas jouer avec l’amitié pour avoir la musique de l’amour dans l’oreille sans le laisser pénétrer jusqu’au cœur. Le jour où j’accepterais l’amitié vive sans trouble et sans crainte, je me mépriserais. Je ne dois, je ne veux rien accepter. »


TROISIÈME LETTRE

« Hélas ! oui, je le vois, il songe à moi, et le voilà qui entame ce jeu périlleux que je voulais éviter à tout prix. Il veut que j’entende le chant d’amour sur des paroles consacrées à l’amitié. Il s’y obstine, et ma volonté n’est pas de force à se mesurer avec la sienne. Je n’ai eu qu’un seul combat à soutenir dans ma vie, et, bien que les conséquences fussent sérieuses, l’objet de la lutte n’avait rien de redoutable en lui-même. Je vous disais que l’ennui est implacable, je l’ai bien senti avec M… Ici, ce ne serait pas la même chose. L’homme est dangereux à écouter, et il ne faut pas se laisser charmer par la vanité de l’occuper. La peur de devenir coquette a été le cauchemar de mon existence, vous le savez. Je me suis juré que, le jour où je sentirais le révélation de l’amour, je fuirais au bout du monde, si je ne sentais pas en même temps la confiance absolue, et que, dans le cas où cette confiance irait de pair avec la sympathie, je n’hésiterais pas un instant à être franche, à me déclarer vaincue ; mais, en me promettant cela, j’étais bien vaniteuse apparemment, car aujourd’hui je me répète ce que je vous disais l’autre soir. Suis-je faite pour être aimée ? et si j’allais prendre l’engouement et la curiosité pour l’affection vraie, dans quels