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fétiche passé de mode, et les héros des vieux livres n’ont peut-être pas existé. Il faut qu’une jeune fille compose elle-même son type idéal. Il ne peut être que l’expression de ce qu’elle est elle-même. Elle le voit comme un reflet de sa propre pensée, et, quand cette pensée n’est que brouillard et fantaisie, la première poupée venue est le prince Charmant de sa fiction. Celles qui ont des ambitions plus accusées ne cherchent même pas à se représenter la figure et le caractère du fiancé. Elles rêvent au coffre-fort ou à la corbeille. Ce qui leur apparaît dans une auréole, c’est un équipage et un hôtel. Je n’ai pas la prétention d’avoir eu des rêves sublimes ; mais, dans un esprit sincère et dévoué comme le mien, je ne pouvais admettre que le compagnon de mon choix ne fût pas mon égal en affection et en loyauté. Je l’aurais peut-être rencontré dans un milieu plus rempli et plus renouvelé par l’agitation du monde ; mais ma fierté ou ma méfiance, peut-être aussi ma paresse, m’eussent empêchée d’aller à la recherche comme une miss américaine, quand même je me fusse sentie dégagée de mon vœu. Ce vœu qui pèse sur ma conscience m’a beaucoup ennuyée, mais il m’a préservée. On me fait bien un peu souffrir quand on me reproche mon prétendu parti pris. J’ai contracté l’habitude d’en sourire et de ne pas m’expliquer. Une seule douleur réelle me donne quelquefois des élancements au cœur, c’est quand je vois des enfants dans les bras de leurs mères, et c’est pour me défendre du rêve trop ardent de la maternité que je n’ai voulu accaparer aucun enfant. Enfin, ce qui vous expliquera la victoire de ma bonne humeur sur quelques passagères impatiences, c’est que je me suis longtemps crue livrée au provisoire