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quem, et toutes les répugnances que j’avais pu concevoir jusque-là pour cette union disproportionnée disparaissaient devant le fait de sa pureté sans tache, qui la faisait plus jeune que moi et plus désirable qu’aucune jeune fille de vertu non éprouvée. Sûr de la sienne, je ne pouvais plus être effrayé de sa richesse ; cette vertu me rendait assez fort et assez fier pour mépriser les lâches insultes de quelques envieux. Où était donc l’obstacle ? La crainte d’humilier un sot ? le danger d’un duel avec lui ?

— Hélas ! oui, me répondit doucement Célie, devant qui cette réflexion m’échappa tout haut : le danger de tuer celui qui a fermé les yeux de mon père, et qui, dans ce temps-là, était digne de tout respect, car il me protégeait contre sa malédiction et renonçait à moi sans arrière-pensée.

— Vous vous trompez, Célie ! Il n’y renonçait pas ; il me l’a confié : il espérait tout de votre reconnaissance. Votre fuite l’a rendu furieux !

— Eh bien, n’importe ; je ne peux pas accepter le remords auquel votre colère m’expose. Ah ! j’ai eu tort de…

Elle allait dire qu’elle se repentait déjà de m’avoir écouté. Je l’en empêchai.

— Non, lui dis-je, vous n’avez eu tort en rien ! La bêtise sublime dont vous vous reprochiez presque d’avoir été préservée par la froideur et l’égoisme, vous l’avez commise le jour où vous avez sacrifié votre avenir à cet ami de votre père. Pour cela, Célie, je vous adore, tout en maudissant l’objet stupide d’un si généreux dévouement ; mais vous ne m’avez pas tout dit, et ce n’est pas quand je commence à vous connaître et à vous aimer mille fois plus que je