Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/214

Cette page n’a pas encore été corrigée

maine. Si Montroger ne se marie pas, je ne peux, je ne dois appartenir à personne !

Célie me regardait attentivement. Je devais être bouleversé, car je ne sais quelle sorte de colère venait de me mordre au cœur. Je haïssais Montroger, et je m’irritais contre la patience et la bonté de Célie. Je ne la trouvais en aucune façon engagée envers lui par une promesse dont le sens n’avait été clair que pour elle-même, et je ne voulais pas admettre qu’elle ne se crût pas le droit de la rompre. Avait-elle su, d’ailleurs, en contractant cette obligation, qu’elle s’engageait pour toujours ? Mille idées se pressaient dans mon cerveau tandis que je marchais éperdu dans le salon, froissant les fleurs que nous venions de cueillir et tenté de briser les vases comme j’eusse voulu briser Montroger. Toute ma situation s’était modifiée pendant que j’écoutais le récit de cette vierge sage. Il ne s’agissait plus de savourer les voluptés de l’amour mystérieux ; avait-elle conservé si précieusement sa chasteté pour la sacrifier à ma passion dans un jour de vertige ? Quel serait le lendemain ? Se résignerait-elle à l’impunité qu’assure l’hypocrisie ? Accepterait-elle le rôle de madone pour trahir son vœu à l’heure où les cierges s’éteignent dans le sanctuaire ? Cela était impossible à supposer, et je ne sais dans quelle langue j’eusse osé lui offrir de n’être que son amant. D’ailleurs, la partie était engagée. Du moment que Montroger se posait en arbitre de sa destinée, j’eusse rougi de descendre au rôle d’amant qui cache son bonheur. Reculer devant les droits et les devoirs que consacre le mariage eût été le fait d’un lâche, et, cette fois, le monde m’eût justement condamné. Je devais donc et je voulais être l’époux de mademoiselle Mer-