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doises dorées de leurs beaux lichens étaient, selon elle, des tentures de deuil sur lesquelles il avait plu du jaune d’œuf. Les guirlandes de feuillage étaient une décoration de cabaret un jour de noce villageoise, et les écailles de bois entrevues à travers les pampres faisaient l’effet de grands vilains crocodiles collés aux murailles et cherchant à se chauffer le dos au soleil. Je la forçai d’avouer que, si cette maison eût été un palais de fées et ce pays un Éden, elle en eût pris possession avec autant de répugnance.

— Mon Dieu ! reprit-elle, il ne faut pas me dire que je hais la campagne. Je l’aime beaucoup, au contraire, quand elle ressemble à quelque chose de vivant et de civilisé.

— Comme le bois de Boulogne par exemple ? La campagne pour toi, c’est la poussière des cavalcades et le roulement des voitures.

— Eh bien, nous pouvions avoir cela sans dépenser ce que nous coûte cette horrible masure, et, si c’est un travers d’aimer ce que tout le monde aime puisque tout le monde y va, je ne comprends pas que maman, qui prétend faire mon bonheur et sacrifier tout à ma santé, m’ait amenée dans ce désert, où l’ennui me fera mourir.

— Êtes-vous donc seules ici ? Je croyais que vous aviez des voisins en quantité suffisante.

— Ah ! l’horrible chose que les voisins qu’il faut voir, stupides ou non, par la seule raison qu’ils sont vos voisins et qu’on ne peut pas les changer ! Je déclare que tous les nôtres sont insoutenables.

— Voyons, dis-en beaucoup de mal, ça te fera du bien.

— À la bonne heure ! Je ne demande pas mieux ; mais non : ce serait trop long. Ils sont une vingtaine,