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miers mouvements, et jamais je ne suis revenu sur une bonne résolution.

— Allons ! dit-elle en souriant d’un air attendri et presque gai, vous êtes un vrai fou, bien complet, bien conditionné… Donnez-moi la main ! — Et parlons de ce malheureux marquis, ajouta-t-elle en me retirant sa main, que je voulais retenir dans les miennes : avant tout, expliquons-nous sur son compte. Vous le haïssez ? Vous avez bien tort. Moi, il m’intéresse, à présent que je connais son style ! Tenez, lisez donc la lettre qu’il m’a écrite la semaine dernière ; elle est remarquable.

En me présentant cette lettre, Célie avait un enjouement si étrange, que je me sentis devenir réellement fou. Était-elle folle elle-même ? Je restais stupéfait, je la regardais sans comprendre. Elle avait l’œil clair et triomphant, une rougeur d’adolescence envahissait son doux visage ; c’était l’impudence calme d’une jeune sauvage qui n’a pas la première notion de ce que nous appelons l’amour.

— Lisez donc ! me dit-elle en riant tout à fait et en rougissant jusqu’au front.

Imbécile que j’étais ! je ne comprenais pas. Je pris la lettre et je la parcourus sans qu’elle me présentât aucun sens. Je ne voyais que les fautes de français grossières, ridicules, les parafes ignobles, l’écriture malpropre. Il me semblait que cela sentait mauvais, mais je ne lisais pas, je ne pouvais pas lire ; enfin la vérité, se fit jour. Au lendemain du cours de Bellac, auquel ce chenapan avait assisté à l’insu de Célie, il lui avait écrit une déclaration d’amour à la fois insolente et stupide, mais qui prouvait jusqu’à l’évidence qu’il l’avait vue, ce jour-là, pour la première fois de