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— Allons ! il me faut du courage pour te dire cela. Cet aventurier, ce spadassin, ce misérable, elle le connaissait, elle l’a reconnu, c’est celui qu’elle a aimé…

— Aimé ? Non, c’est impossible, un lâche !…

— C’est un coquin, mais non un lâche, matériellement parlant. Il a des côtés héroïques, à ce qu’il paraît ; c’est une espèce de corsaire à la Byron, un Lara, un de ces détestables héros de roman qui font rêver les jeunes filles.

— Non, ce n’est rien de cela, je vous jure ! ce n’est pas même un Lugarto ; c’est un être vulgaire, abject, sans éducation, sans poésie…

— Mais il est beau et brave, et il peut être apparu autrefois dans des circonstances mystérieuses et romanesques ; je ne les sais pas. Célie n’est entrée dans aucun détail. Elle m’a dit seulement qu’elle avait été enfant et folle tout comme une autre, et qu’elle en portait la peine. Elle rougit de son erreur ; mais le passé a laissé une tache sur sa vie, une tache ineffaçable…

— Une tache !… un fait ! elle s’est donnée ?

— Je ne sais pas, je n’ai pas osé la questionner trop, elle s’exécutait si courageusement !… mais elle m’a laissé entendre qu’il ne s’agissait pas seulement d’un rêve de jeune fille, évanoui sans expansion et sans remords ; c’est à cause de lui qu’elle a refusé Montroger : elle l’aimait encore ou elle ne l’aimait plus, je ne sais. Elle l’a revu dans son grand voyage, où elle apprit ce qu’il était. Enfin, quelles que soient les circonstances, elle a été guérie par le mépris, et elle a fait vœu de ne plus appartenir à personne, ne voulant