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— Non ; mais je le serai, je le veux ! J’ai conquis l’estime et la sympathie, et, dussé-je en rester là, c’est encore ce qui, venant d’une telle femme, m’a donné le plus d’orgueil et de joie depuis que je suis au monde !

— Eh bien, soit ; mais il faudra en rester là. Avec elle, l’amour est impossible, et tu y renonceras de toi-même.

— Jamais, à moins que je ne renonce à la vie.

— Calme-toi. Nous avons à causer sérieusement, mais te voilà trop excité ; d’ailleurs, j’entends ma fille qui s’habille, nous serions interrompus. Ce soir, quand nous serons bien seuls et quand je t’aurai vu dans ton état naturel…

Il fallut se soumettre. Il me sembla que cette journée ne finissait pas. Enfin, à dix heures, je me retrouvai seul avec ma tante. J’avais réussi à lui paraître calme, et elle voyait bien que je n’étais pas malade.

— Ce n’est plus, me dit-elle, par crainte de l’aventurier étranger que mademoiselle Merquem veut t’éloigner d’ici ; elle sait qu’il est parti dans la nuit, très-malade et très-démoralisé. Ce qu’elle redoute, c’est ton illusion, tes espérances, ton amour enfin, puisque c’est de l’amour ! Elle m’a donné le choix entre deux partis : ou te décider à l’oublier, ou te laisser le maître de tes actions en te faisant une révélation terrible. C’est à toi de choisir : veux-tu garder tes illusions de jeunesse, emporter dans ton cœur un souvenir embaumé et ne revoir jamais Célie ? ou veux-tu être guéri par un remède héroïque aussi amer que possible ? Parle.

— Je veux la revoir au prix de toutes les souffrances…