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titude et la physionomie dédaigneuses d’un chef d’esclaves qui va disperser d’un coup de fouet son vil troupeau, il sentit qu’il n’intimiderait personne, et, prenant son parti :

— C’est vous que je cherchais, me dit-il ; j’ai à vous parler.

— Eh bien, me voilà, monsieur ; parlez-moi, répondis-je.

— Je veux vous parler seul, suivez-moi.

— Si vous m’en priez, à la bonne heure ; autrement, je n’obéis qu’à ceux à qui je dois le respect.

— Qu’est-ce que vous voulez dire ?

— Je dis que je ne vous connais pas.

— Eh bien, écoutez-moi, je me ferai connaître… Voulez-vous sortir un instant ?

Bien que l’injonction tînt le milieu entre l’ordre et la prière, je m’en contentai. Je ne voulais pas rendre mademoiselle Merquem témoin d’une querelle. Je ne sais si elle était inquiète. On s’était groupé devant elle pour que l’étranger ne pût même pas se vanter de l’avoir vue ailleurs qu’en public. Je le suivis dehors, et, quand nous eûmes fait quelques pas sur la grève :

— Vous êtes bien méfiants dans ce pays-ci, me dit-il. Est-ce parce que vous me voyez en tenue de touriste ? Il paraît qu’il faut se faire connaître pour ce que l’on est ! Et voilà qui je suis, ajouta-t-il en me présentant un billet de banque. Connaissez-vous les billets de mille ? Je n’ai plus d’or sur moi.

— Allez voir ailleurs, répondis-je en lui rendant son billet. Je n’ai pas de quoi vous changer cela.

— Il ne s’agit pas de le changer ; gardez-le.

— Je n’en veux pas. Je ne suis pas un enfant