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selle Merquem en tendant la main à Stéphen, qui prit timidement le bout de ses doigts avec une émotion visible et ne sut lui rien répondre.

Pour la première fois de sa vie, le fluide féminin pénétrait jusqu’à son cœur sans traverser ses sens. Il rougit pourtant de se montrer si naïf devant moi, et, faisant un effort pour paraître aussi brusque que de coutume, il dit en me regardant :

— Qu’est-ce que j’ai donc fait, moi ?

— Votre ami ne le sait pas, répondit mademoiselle Merquem ; moi, je sais tout. On me fait le rapport quand je ne vois pas tout. Vous avez sauvé le petit Barcot, qui faiblissait au moment d’aborder le bachot de son père, car le vieux, qui n’a plus la main sure, perdait la tête…

— Bah ! dit Stéphen, ce que j’ai fait par hasard, vingt autres allaient le faire. Ces braves gens ont voulu m’en laisser l’honneur et le plaisir.

— Voilà qui est bien parler, répliqua Célie. Quant à bien agir, oui, c’est très-naturel, et ici nous ne contrarions pas trop la nature sous ce rapport-là ; mais il y a parfois des étrangers qui ne la respectent pas en eux-mêmes et dont la pusillanimité expose les gens courageux, témoin ce malheureux que M. Armand a repêché… À propos, comment va-t-il ? Bellac m’a fait dire qu’il n’en était pas inquiet du tout. L’avez-vous vu ? sait-on qui il est ?

— Il ne parle pas encore, répondis-je ; mais vous savez aussi bien que nous qu’il est un imbécile.

— N’importe, reprit-elle, il faut que tout le monde vive. Il est bien soigné, je suis tranquille sur son compte. Mettons-nous à table, madame Guillaume nous fait signe.