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le privilège de l’aîné des filleuls, Célio l’Anglais ; je devais respecter la consigne.

Le débarquement fut une scène touchante. Toutes les femmes et tous les vieillards de l’endroit, avec tous les enfants, étaient sur la grève. Célie fut saluée par des caresses et des bénédictions enthousiastes. Personne n’était blasé sur ses heureuses prouesses. Le premier qui s’élança vers elle fut un garçon de dix ans, d’une physionomie douce et intelligente, qui se jeta à son cou et l’embrassa avec effusion. Célie, qui marchait vite pour se réchauffer, car nous étions tous fort trempés, le poussa vers moi en lui disant :

— Embrasse ce monsieur-là.

Et elle ajouta en me regardant avec attention et en me désignant l’enfant :

C’est lui !

C’était Jean Wright, de l’île de Jersey, surnomme Moïse depuis son naufrage, mon futur enfant d’adoption. J’eusse été bien difficile si son aimable figure ne m’eût pris le cœur à première vue. D’un air étonné et cependant plein de confiance, il se jeta dans mes bras. Je lui donnai deux gros baisers et je regardai Célie. Nous nous comprenions, nous avions un secret à nous deux. Mon Dieu, que j’étais heureux et fier !

J’aidai à porter et à installer l’inconnu dans un lit bien chaud qu’on tenait prêt à tout événement au logis du père Guillaume. Les mêmes soins attendaient Célio Barcot dans sa famille. Le troisième naufragé fut, sur sa demande, conduit chez Michelon le cabaretier. J’étais si curieux de le voir de près, que j’allais l’y suivre, lorsque mademoiselle Merquem, enveloppée d’une grande pelisse de cachemire bleu que