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d’un homme qui s’éveille. On m’apprit que le naufragé sauvé par moi vivait encore malgré sa torpeur, que l’autre avait été repêché sain et sauf et mis sur une autre barque, tandis que Célio Barcot avait été recueilli par son père et par Stéphen.

Tout était pour le mieux. Je ne me sentais qu’un peu brisé de lassitude et d’émotion. Je revenais triomphant sur le canot-amiral de Célie. J’avais fait ce que personne n’eût osé tenter, j’avais compromis la vie du naufragé et la mienne, une vraie folie dont je n’avais pas eu conscience et qui m’avait porté bonheur. Peut-être avais-je sauvé aussi par ma prompte résolution la vie de Célie et celle de tout l’équipage, car en ce moment-là nous étions tous fort compromis par notre obstination à sauver les deux étrangers. Elle ne me disait pourtant rien. J’avais saisi machinalement sa main en m’éveillant, et elle la laissait dans les miennes. Dans un moment où personne ne nous regardait, je couvris de baisers cette main chérie, qui me fut alors retirée, mars sans colère et sans effroi.

Quand mes idées furent tout à fait éclaircies, je m’approchai de Célio Guillaume, qui, grâce à la voile, ne ramait plus, et je pus causer tout bas avec lui. Il m’apprit que les deux naufragés que nous ramenions n’étaient autres que les deux étrangers qui avaient séduit Célio Barcot, et qui étaient apparemment venus le chercher sur notre écueil pour aller se briser avec lui, on ne savait pourquoi, sur l’autre îlot. L’espèce de moribond que nous ramenions commençait à ouvrir les yeux à son tour. Saisi par le froid et brisé par la peur qu’il avait eue, il essayait de remercier le père Guillaume, qui le soignait, par des sourires