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est un esclavage volontaire auquel la femme aspire naturellement, et qu’elle impose en même temps qu’elle le subit. Vous avez beau vouloir mettre le cœur à droite, il sera toujours à gauche, et, à moins que vous ne trouviez le moyen de le supprimer… Mais, mon Dieu, il est deux heures du matin, et j’oublie qu’à ton âge on a encore besoin de sommeil, nous reparlerons de tout cela demain ; va vite te coucher,

— Encore un mot, ma tante. Vous qui êtes du temps où la femme avait un cœur, croyez-vous bien réellement ce que vous venez de dire ? Une vraie femme éprouve-t-elle le besoin d’être dominée ?

— Oui, cela est dans la nature.

— Dans la nature animale, cela est certain : la femelle subit l’amour et s’épanouit sous la domination ; mais dans l’espèce humaine la femme n’a-t-elle, pas la prétention d’avoir une âme qui vaut la nôtre, une personnalité qui lui appartient, une liberté de choix qui lui paraît sacrée ?

— Tiens ! tu me fais penser à mademoiselle Merquem… Voilà les mots qu’elle dit quand, entre femmes, on la met un peu au pied du mur.

— Vraiment ?

— Ne parlons pas de Célie, cela nous mènerait jusqu’au grand jour, et je me sens très-fatiguée. Je n’insistai pas. Ma tante, très-délicate de santé, était plus âgée que son âge, et je dus briser l’entretien au moment où il commençait à m’intéresser personnellement. Au reste, j’avais déjà remarqué que ma tante ne me parlait pas volontiers longtemps de mademoiselle Merquem, soit que, ayant pour elle une vive amitié, elle eût craint d’avoir à reprendre quel-