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Je suis l’homme de mon temps et de mon milieu ; mais, tel que je suis, je me connais assez pour savoir qu’en me rendant capable d’exprimer ma pensée, on ne m’en a pas rendu indigne, et, vous qui donnez tous vos soins à élever le niveau intellectuel de vos amis du village, vous ne pouvez pas croire que la civilisation dégrade l’homme. Arrêtez donc un peu l’essor de votre mépris et réfléchissez avant de me dire : « Je vous défends de me comprendre, de m’apprécier et de me rendre l’hommage que j’accepte avec attendrissement du plus inculte de mes paysans. »

Évidemment, mademoiselle Merquem n’avait jamais été mise au pied du mur, et Montroger ne lui avait dit que des banalités faciles à éluder, car elle ne sut pas échapper à mon insistance.

— J’ai eu tort, dit-elle avec un embarras pudique et touchant. Je vous ai mal compris et mal répondu. J’ai été prude. Il faut me le pardonner. Il est impossible à une vieille fille sans grand usage du monde de ne pas tomber quelquefois dans ce travers ridicule. J’aurais dû vous répondre tout simplement : « Vous me jugez très-bonne, vous m’estimez beaucoup ; vous me dites gaiement, mais sérieusement au fond, que vous faites grand cas de moi : eh bien, tant mieux, merci ; c’est la preuve que vous avez en vous tout ce que vous m’attribuez, et votre sympathie a droit à ma reconnaissance. » Au lieu de cela, j’ai cru à de l’ironie, à de la curiosité, à je ne sais qu’elle épreuve de ma modestie ou de mon bon sens. Je vous ai fait injure, pardonnez-moi… et n’en parlons plus.

Le dernier mot était dur après l’abandon d’un si aimable retour, mais il fut prononcé avec une timidité craintive qui me charma plus que tout le reste.