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soir ? C’est depuis un accident arrivé à une demoiselle folâtre qui aurait pu se tuer dans les rochers. Voilà pourquoi, le dimanche, on ferme de nuit la grille du côté du château. Souhaitez-vous, avant de descendre, voir le vieux donjon, monsieur ?

— Si cela est permis…

— Tout est permis ; entrez.

D’un geste, il désigna la porte, me fit le salut militaire, et rentra chez lui comme pour me dire : « Je ne reçois rien. » C’était un des anciens marins de l’équipage de l’amiral. Tous ceux qu’il avait pu recueillir étaient employés au château et y menaient une vie de cocagne. Leurs enfants et petits-enfants avaient formé le premier noyau de la petite colonie du village.

Je parcourus le donjon, qui était admirablement conservé à l’intérieur. J’y vis la grande salle où M. Bellac, assisté de Célie, faisait son cours de physique aux villageois. L’attirail était sérieux et je m’expliquai la foudre évoquée par la châtelaine et son sorcier dans ce laboratoire mystérieux. Le cabinet de travail du savant était ouvert comme tout le reste. Tout était sous la garde de la bonne foi publique.

Je m’enfonçai au hasard dans le vieux parc. Il n’y avait pas moyen de s’y perdre, tout sentier descendait brusquement vers les terrasses qui portaient le château neuf : mais cette crête de grès avait des crevasses fantastiques, et, pour s’y diriger sans péril, il fallait voir clair ou les bien connaître. Il n’y avait donc pas plus de mystère là qu’ailleurs. J’avais rêvé une existence cachée aux regards, qui n’existait pas. Le lieu prêtait bien par lui-même à cette supposition. Ces roches profondément brisées, ces précipices naturels que voilaient de sombres verdures échevelées offraient des retraites en