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— Je l’ai vue trois ou quatre fois, elle vient tous les jours.

— Vous a-t-elle semblé jolie ?

— Oui, mais elle ne doit pas l’être.

— Vous ne l’avez pas regardée ?

— Si fait, un peintre doit regarder tout ce qui grouille dans son horizon ; mais vous êtes de ses amis…

— De ses amis les plus désintéressés. Vous pouvez dire de sa figure tout ce que vous voudrez. Est-ce qu’un peintre n’a pas le droit de tout dire ?

— Au fait, il n’y a rien de plus chaste que le regard d’un peintre, vous avez raison. Eh bien, cette demoiselle est une… Comment vous dirai-je ? ce n’est certainement pas une poseuse ; c’est une toquée, et, en vous disant ça, je vous fais son éloge en un mot, je la canonise. Il n’y a de bon en ce monde que les toqués.

— Je suis de votre avis ; mais en quoi vous a-t-elle paru toquée ?

— En ce qu’elle vit à sa guise et s’amuse comme elle l’entend. C’est de la sagesse, ça, par conséquent de l’excentricité. Vous savez bien qu’elle va en mer presque tous les jours. Voilà sa barque là-bas ; c’est elle qui la commande et la gouverne, toujours accompagnée du père Guillaume et de la bande des filleuls. Elle adore la mer ; ça, c’est un bon point ! Elle aime le danger : je n’aime pas beaucoup ça chez une femme, moi, parce que, quand les femmes se mettent à être quelque chose, ce n’est jamais à demi. Braves, elles deviennent téméraires, enragées même, et vous traitent de capon l’homme le plus courageux, pour peu qu’il montre la prudence nécessaire. Je ne dis pas ça pour votre demoiselle, je ne l’ai pas encore