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s’est spiritualisée depuis un demi-siècle, la religion s’est matérialisée visiblement. Sous la Restauration, le clergé a perdu moralement et intellectuellement tout ce qu’il avait regagné d’intérêt et de prestige durant la persécution terroriste. Est-ce une loi fatale que les croyances s’épurent dans les luttes et se perdent dès qu’elles gouvernent le monde des intérêts matériels ?

Voici que ce spectacle recommence et qu’une véritable intolérance religieuse essaye une nouvelle campagne. Sagement contenue par la liberté de la presse sous Louis-Philippe, beaucoup trop caressée par la naïveté héroïque du peuple de 1848, aujourd’hui surveillée, mais non contenue, par une arme à deux tranchants, la censure, l’intolérance profite du silence plus ou moins forcé de ses adversaires naturels, les philosophes et les gens de lettres, pour risquer tout, pour oser au jour, saper en secret, et jouer le rôle de victime aussitôt que les lois répressives, qu’elle aimerait tant à absorber à son profit, atteignent les écarts de son zèle. Aussi prend-elle des forces sous le manteau de cette prétendue persécution, qui ne saurait la blesser réellement, puisqu’elle repose sur le même principe qui la fait vivre. À l’intolérance religieuse ne faut-il pas, comme à la défiance politique, le régime de l’étouffement ?

Tu me demandais si réellement ce mouvement religieux rétrograde était à craindre, s’il fallait blâmer ou plaindre ce dernier râle de l’esprit du passé ? En philosophe, je t’ai répondu : « Plains l’erreur et ne la crains pas. » Dieu l’a condamnée… Mais, devant Dieu, nos dures et traînantes questions politiques et sociales comptent si peu ! Si nous les jugeons, nous, par leur durée relative, elles prennent une réelle importance pour nous, dont la vie est si courte ! Et quand tu veux savoir quelles luttes t’attendent dans le reste de siècle que nous