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Lucie garda un instant le silence, et une vive rougeur de dépit ou de honte monta jusqu’à son front ; mais la lutte contre elle-même fut rapidement terminée. La rougeur s’envola comme un éclair, elle embrassa le vieillard en disant :

« En cela, père, tu peux bien avoir raison ! Tu sais, moi, tout ce qui me console de te contredire, c’est quand je peux trouver l’occasion de me donner tort. »

M. de Turdy, attendri, me regardait comme pour me dire : « Vous voyez si on peut résister à tant de grâce et de bonté… » Et il est certain que j’étais de son avis. On discuterait avec Lucie, on disputerait même, rien que pour le plaisir de la voir si délicieusement céder. Aussi le nuage qui me resta dans l’esprit eut-il une autre cause que son aversion systématique pour le grand génie de Rousseau, qu’elle ne connaît pas. Je m’affectai intérieurement de la pensée que cette âme candide était déjà déflorée par la science de soi-même imposée aux jeunes filles pieuses comme un devoir, comme une nécessité du sérieux de la confession. La confession !… Je n’avais jamais pensé à cela qu’avec sang-froid. J’avais vu la première institution, la confession publique à la porte du temple, comme une chose terrible et grande, comme un reflet ardent de l’époque du martyre : je regardais la confession auriculaire comme une déviation du principe, comme un accommodement du pécheur avec le ciel et du prêtre avec le pécheur ; mais je n’avais pas encore mis dans ma pensée l’image du prêtre entre Lucie et moi. Quand elle se présenta, elle fit passer une sueur froide dans tout mon corps. Je me rappelai ce passage de Paul-Louis Courier, qui ne m’avait frappé que comme éloquence, et il me revint tout entier dans la mémoire comme si je l’eusse appris par cœur. Tu te le rappelles, ce passage que nous avons lu ensemble il n’y a pas longtemps… «