Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/60

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Le mot n’est pas une injure en lui-même, dit-elle ; mais vous y avez mis une intention hostile : confessez-vous ! »

Et, comme je l’avouais, car je ne veux rien nier, rien dissimuler avec elle :

« Je veux, reprit-elle, vous dire les opinions politiques que je me permets d’avoir. Née d’un père français et d’une mère savoisienne, j’ai été élevée en Savoie, c’est-à-dire en Italie, puisque nous sommes Français d’hier. Je suis donc Italienne à demi, et je n’admets pas que l’annexion ait pu nous dénationaliser si vite. Étant bonne Italienne et patriote, je m’en pique, je ne puis aimer l’Autriche, et je ne puis pas approuver la résistance politique, du saint-siège à l’unité de l’Italie.

— En vérité ! s’écria madame Marsanne, votre orthodoxie s’arrête au pouvoir spirituel !

— Absolument, répondit Lucie ; je n’ai jamais eu d’autre manière de voir, et je suis orthodoxe quand même, car le pouvoir temporel n’est pas un article de foi. J’irai plus loin, j’avouerai que j’aime Garibaldi, et que je cesserais d’aimer Victor-Emmanuel le jour où il cesserait de protester pour l’indépendance de l’Italie. Voilà ma profession de foi. Est-ce le légitimisme comme vous l’entendez en France ?

— Non certes, répondis-je, et je crois que nous sommes bien près de nous entendre.

— Alors restons-en là, dit-elle, et parlons d’autre chose ; car la similitude parfaite des idées n’est pas si nécessaire d’ans ce monde. Peut-être même est-il bon que chacun garde une certaine nuance qui le caractérise, pour faire acte de liberté dans la limite admissible. »

Il me sembla qu’elle abandonnait encore une partie de son lest pour s’enlever plus haut dans la région du vrai, et je lui en marquai ma reconnaissance par le soin