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fiance. Donnez-moi le temps de vous connaître un peu plus, et alors je me permettrai peut-être de discuter quelquefois avec vous ; car j’ai beau être une femme, encore enfant à bien des égards, vous savez que chacun tient à sa croyance, et que les faibles ont le droit de se défendre contre les forts.

— Pourquoi pas tout de suite ? lui demandai-je. Êtes-vous aussi sincère que moi quand vous prétendez ne pas me connaître ? Je me suis pourtant donné tout entier, et vous n’avez rien à découvrir que je ne vous aie livré.

— Vous avez raison, reprit-elle, et je crois que ce serait vous faire injure que de vous étudier comme un homme ordinaire. Qui comprend votre père et qui vous a vu un instant doit vous connaître, sous peine de tomber dans une méfiance niaise ; mais pourtant… je ne peux pas dire un mot de plus sans vous faire une question absurde. Répondrez-vous à une question absurde ? »

Et, comme j’hésitais à répondre, cherchant à deviner d’avance, elle ajouta en riant :

« La vérité exige quelquefois l’absurdité. Vous savez le fameux credo quia absurdum ! »

Mais, tout en riant ainsi, elle rougissait beaucoup, et je la priai de s’expliquer en rougissant moi-même autant qu’elle.

« Eh bien, reprit-elle avec un héroïsme de franchise extraordinaire, on prétend que vous avez conçu pour moi, à première vue, une passion de roman. C’est Élise qui dit cela, et, pour vous tirer de votre embarras, sachez qu’elle prétend que j’ai répondu à cette passion comme par une commotion électrique. Vous reconnaissez là le style moqueur de notre amie ; mais il y a quelque chose de vrai sous cette hyperbole. J’ai cru voir que vous étiez porté à une sympathie particulière pour moi, et, de mon côté, j’ai ressenti pour vous la même chose. Voilà