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Puis, s’adressant à Henri, il ajouta :

« Vous trouverez peut-être ce dernier mot un peu rauque dans ma bouche de mécréant ; mais je veux vous dire — devant votre jeune ami précisément — que je me suis fort amendé depuis un an ou deux. Il est temps, n’est-il pas vrai ? N’allez pourtant pas me croire converti] Les capucinades sont fort de mode en ce temps-ci. Moi, j’ai passé l’âge où elles pourraient être utiles, et je m’en tiendrai à la chose qui m’a suffi jusqu’à ce jour. Je nie le Dieu personnel, voyant, écoutant, veillant et réglementant la création à la manière d’un administrateur émérite. Si Dieu existe, il n’a, selon moi, de comptes à rendre à personne de sa gestion, et il l’abandonne aux lois établies par la force des choses. Je sais que vous n’êtes pas beaucoup plus spiritualiste que moi, mon cher Valmare ; mais votre jeune ami,… dont j’ignore absolument les opinions… »

Je lui demandai si c’était une question qu’il me faisait l’honneur de m’adresser.

« Non, reprit-il, je n’ai pas ce droit-là, et, d’ailleurs, je reconnais aujourd’hui que je ne l’ai envers personne. Il fut un temps où j’étais un peu fanatique d’incrédulité, et où les momeries me poussaient à bout. J’ai mis de l’eau dans mon vin, ou plutôt ma petite-fille a baptisé mon breuvage, et je me suis laissé faire. Elle m’a reproché mon intolérance ; elle m’a juré qu’elle respectait mes idées, qu’elle ne chercherait jamais à me les ôter, et elle m’a tenu parole. Enfin ma petite dévote a remporté la victoire. Je ne dis plus rien, je laisse à chacun sa fantaisie, je ne me moque plus des pratiques ; je ne réclame plus la liberté de conscience, puisqu’on me l’accorde à moi-même. Qu’en pensez-vous ? »

Il me regardait. Je ne sais ce que j’allais répondre ; peut-être n’aurais-je pas du tout répondu, lorsque made-