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un mois de lutte terrible avec le père Onorio et avec moi-même ! Je prends le meilleur parti pour moi et pour les autres ! Je vois bien que, dans un véritable esprit de charité, vous venez m’offrir leur pardon, leur amitié, leur intimité peut-être !… Nobles cœurs, laissez-moi seul ! Je ne saurais pas être heureux, je ne connaîtrais pas le repos de l’esprit, je vous ferais souffrir malgré moi !…

— Mais plus tard ? dit M. Lemontier, touché de cette complète sincérité.

— Oui, plus tard ! dans vingt ans, si je ne suis pas mort de fatigue, car je vais me fatiguer beaucoup ! Nous verrons alors si je pourrai apporter une bénédiction vraiment sainte aux enfants de Lucie, et si je peux au moins partager avec vous le titre et les sentiments d’un grand-père. »

Il appela Émile, l’embrassa encore et partit.

Lucie fut satisfaite d’entendre parler de Moreali avec une véritable affection autour d’elle, mais elle garda toujours le silence sur son compte. Il y avait entre elle et lui quelque chose d’inconnu qui était attrait chez lui, répugnance chez elle, quelque chose d’instinctif qui se révélait à la fiancée d’Émile en dépit du silence gardé autour d’elle sur l’histoire mystérieuse de sa mère, une sorte d’effroi de la soutane, un immense besoin d’aimer exclusivement l’époux qui seul pouvait et devait connaître les forces et les délicatesses de son amour.

Ils ont été mariés sans éclat et sans pompe à Chêneville. Ils ne se sépareront ni du père d’Émile, ni du grand-père Turdy, qui, rajeuni et raffermi dans la vie, les suit dans la vallée du Rhône ou les ramène en Savoie.

Henri et sa femme sont venus les voir.

Le général a protesté un peu de loin contre les résolutions philosophiques de Lucie ; mais il est arrivé à Turdy l’année