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son père, qui voulait rester près de Lucie. Le général ne s’y opposait plus ; Moreali n’eût osé s’y opposer.

En s’installant à Turdy jusqu’au mariage, M. Lemontier voulait étudier la situation morale de Lucie. Outre qu’il croyait devoir veiller toujours sur les retours possibles du fanatisme de son ex-directeur, il se regardait comme obligé d’amener Lucie à une entière confiance dans les principes de son fils. Lucie avait fait noblement le sacrifice de tout acte contraire à ces principes ; M. Lemontier ne voulait pas la prendre au mot trop vite. Il souhaitait de la voir convaincue qu’elle restait chrétienne tout en posant une limite à l’influence du prêtre dans sa vie et en subordonnant cette influence à celle de son époux. Pour le fond du dogme, Lucie était toute convertie, on l’a vu. Elle avait toujours nié l’enfer et haï la persécution religieuse. Quant au reste, si elle gardait quelques doutes, elle n’en parlait pas, et M. Lemontier attendait avec déférence qu’elle les lui confiât.

Ce moment d’abandon ne tarda pas à venir ; mais, au lieu de confesser des doutes, Lucie affirma des certitudes. Ce fut un jour que le père Onorio prêchait à Chambéry. On n’avait pas revu Moreali depuis la soirée d’explication définitive avec M. Lemontier, c’est-à-dire un mois environ depuis le consentement donné par le général. Émile devait venir le lendemain faire sa visite mensuelle de trois jours. Il espérait même pouvoir la prolonger, car le général s’était annoncé aussi et lui avait écrit : « Si vous arrivez en Savoie quelques jours avant moi, vous m’y attendrez. » Henri Valmare était parti pour rejoindre sa fiancée. Il voulait tout disposer pour se marier le même jour qu’Émile.

Le père Onorio avait continué à recevoir l’hospitalité à Hautecombe ; mais il battait le pays, quêtant et catéchisant un peu partout, infatigable dans ses longues