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reprendrez la lutte où nous l’avions laissée ?

— Non ! s’écria l’abbé, offensé malgré lui de ce doute, vous me méprisez trop !… Ah ! que de préventions contre le pauvre prêtre !

— Ôtez-les-moi, prononcez-vous, soyez homme, soyez un membre de la société universelle, ne fût-ce qu’un instant dans votre vie !…

— Eh bien, dit l’abbé, je pars, je vais chercher le consentement du général, et je vous l’apporte ; serez-vous content ?

— Donnez-moi votre parole que vous agirez ainsi.

— Gardez la lettre !

— Que ferais-je d’une lettre trouvée par moi, ouverte par vous, et qui est une épée rompue dans mes mains ?

— Vous aimez mieux ma parole qu’un gage, fût-il sérieux ?

— Oui, monsieur l’abbé, et je la réclame.

— Je vous la donne au nom du Christ, dit Moreali en étendant la main ; et prouvez-moi maintenant que vous y croyez.

— En vous donnant la mienne de ne rien trahir ?

— Non ! elle m’est inutile. J’ai foi en vous. Embrassez-moi, voilà tout ce que je vous demande, et je vous le demande aussi au nom du Christ ! »

Le philosophe et le prêtre s’embrassèrent.

« À présent, reprit celui-ci fort ému, conduisez-moi au chemin de fer, ou venez avec moi à la résidence du général ; vous verrez que ma conscience n’a pas d’envers.

— Vous accompagner serait encore une suspicion. Je n’en ai plus, nous nous sommes embrassés. D’ailleurs, je me suis juré de ne pas quitter Lucie avant de l’avoir remise sous la protection de mon fils.

— Que craignez-vous donc en votre absence ?