Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/343

Cette page n’a pas encore été corrigée

devant les autres hommes. Il ne faut pas rendre parjure un homme qui a fait serment de chasteté, et qui, à l’abri de ce serment, est amené par l’époux, loyal ou stupide, en tout cas confiant, jusque dans l’alcôve conjugale.

« Cet amour était donc coupable, et il était antihumain, puisqu’il tuait dans le cœur de Blanche tout ce qui n’était pas lui. Il avait tué d’avance l’amour conjugal. Il avait tué le discernement, puisque, par réaction contre les ardeurs secrètes de votre amour sans solution, elle avait choisi l’époux le plus matériel et le moins fait pour la charmer. Il avait tué l’amour filial et l’amour maternel, puisqu’elle aspirait à la mort et se déclarait inutile dans la vie. Tel est le résultat inévitable de l’amour du prêtre, quand il est contenu dans les limites du devoir d’abstinence. Quel est-il quand ce frein lui échappe, quand il ne se résigne pas à marcher dans la voie des douleurs ?… Vous le savez aussi bien que moi… Vous avez vu de près ce monde…

« Vous avez pris la voie des douleurs, j’admets que ce soit la plus suivie, et que l’on y compte beaucoup de triomphes : eh bien, ces douleurs sont stériles pour celui qui les endure, périlleuses pour celle qui les partage, funestes pour tous deux, car elles enfantent des mirages trompeurs où la notion du Christ se confond avec celle de l’homme aimé, de même que la suave image de la Vierge prend à toute heure, dans l’imagination troublée du jeune prêtre, les traits de la femme qu’il désire. Dans cet état maladif qu’on appelle l’amour mystique, la loyauté de l’âme s’oblitère, et le jugement s’égare. De même que la parole et le regard trahissent la volonté quand elle a un double but, de même la raison et l’instinct trahissent la conscience quand elle est troublée par un double idéal. On tombe alors dans les agonies de ce monde tout physique