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« Et pourtant vous avez horreur du crime, et vous n’avez rien d’un homme vicieux ! vous avez, au contraire, les plus nobles instincts et le goût de la vertu ; mais vous avez jeté un défi à la nature, et dans sa réaction elle vous a mis tout près de ces forfaits dont on voit tant d’atroces exemples, crimes que, selon moi, les lois civiles ne devraient pas atteindre, puisque, d’accord avec les lois religieuses, elles refusent aux prêtres le mariage civil.

« Vous répondrez que vous avez vaincu pour votre compte, et qu’il n’est donc pas impossible de vaincre. C’est où je vous attends. Je vais vous montrer les fruits amers et vénéneux de votre victoire.

« Je ne vous répéterai pas ces terribles argumentations de Blanche, si fidèlement rapportées par vous. Elle avait mille fois raison contre vous, cette malheureuse femme ! Vous l’aviez prise enfant, vous l’aviez enveloppée d’un amour de prêtre, amour d’une nature particulière, que vous déclarez chaste et que je déclare pervers, puisque cette chasteté est le résultat d’un instinct perverti. Cet amour-là, qui vous laissait calme, s’insinuait dans le cœur de l’enfant comme le serpent dont la douce voix et les yeux caressants surprirent Ève dans le paradis. Vous étiez beau, vous l’êtes encore ; vous êtes éloquent, vous êtes séduisant dans la chaire, à l’autel, partout où elle vous voyait. Dans le confessionnal, votre souffle mêlé au sien, après avoir fait passer le froid de la mort sur son premier amour, faisait éclore peu à peu, à son insu et au vôtre, un autre amour plus profond, plus tenace, plus ardent, cet amour dont elle est morte, ne pouvant l’assouvir.

« Cet amour qu’elle se reprochait était un crime, en effet. Il ne faut point trahir son mari, il ne faut pas surtout le trahir avec un prêtre, avec un homme qui ne peut ni vous avouer, ni vous protéger, ni vous relever d’une chute