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avait de plus en plus l’amour de la retraite, le mépris du monde, le besoin de mettre d’accord sa vie et sa croyance en se consacrant à Dieu.

Elle ne paraissait pourtant pas décidée à prononcer des vœux ; mais était-il nécessaire qu’elle s’engageât par serment, qu’elle coupât ses beaux cheveux et qu’elle se vêtît de serge, cette fille chérie, cette femme vaillante, qui offrait à l’aumône sa vie, sa fortune et son cœur ? S’il en devait être ainsi, je laissais dans ma pensée le soin de la décision au père Onorio. Rien ne pressait, car je ne voulais point que Lucie abandonnât son grand-père au bord de la tombe.

Vous savez le reste, monsieur. Déjà une ou deux lettres de Lucie m’avaient fait pressentir une modification dangereuse dans ses idées. Je me hâtais, mais non pas au gré de mon impatience. Une fortune matérielle m’était tombée du ciel. Un pauvre parent de ma mère, celui qui m’avait adopté, avait reçu pour moi un million, à la condition de ne jamais trahir et de ne jamais me révéler à moi-même le secret de ma naissance. Ce million, ce devait être mon monastère. Il me fallait rassembler les fonds épars dans plusieurs banques. Quand j’arrivai enfin ici à l’improviste, il était trop tard ! On m’avait aliéné, on m’avait volé le cœur de ma fille !…


Ici, la voix de Moreali fut étouffée par les sanglots. M. Lemontier l’empêcha de rien ajouter.

« Votre confession est complète, lui dit-il. Je sais à présent tout ce qui s’est passé en vous, et je vais vous le dire à mon point de vue, qui n’est pas le vôtre. Je ne me permettrai aucun blâme personnel ; car, si vous m’avez dit la vérité, et je crois que vous me l’avez dite…

— Lisez les lettres de Blanche, lisez-les ! s’écria Moreali.