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donc, je veux mourir en maudissant Dieu, le Christ, vous et moi-même ! ».

Si je vous rapporte ces effroyables paroles dont le souvenir me glace encore, c’est qu’elles sont le résumé des plaintes, des blasphèmes et des reproches que cette malheureuse femme m’a toujours adressés depuis, soit par lettres, soit dans de courtes entrevues auxquelles je n’ai pu me soustraire. C’est qu’elles sont, j’en suis certain, l’objet et le texte de la confession que vous avez là entre les mains. Jugez si le père, l’époux ou la fille de Blanche doivent la lire !

Quant à moi, plié sous l’horreur de cette malédiction, je m’efforçais en vain de la conjurer : l’esprit de Blanche, frappé de délire, était complétement dévié de la ligne du vrai, ligne subtile et délicate à suivre, j’en conviens, pour les prêtres sans idéal et pour les femmes exaltées. En même temps qu’elle était une folle, la pauvre Blanche était pourtant une sainte aussi. Elle ne rêvait point de coupables transports, elle effleurait le bord des abîmes avec cette légèreté d’appréciation et cette absence de logique qui caractérisent les femmes. Elle ne voulait pas s’apercevoir du mal qu’elle me faisait ; elle comptait pour rien la contagion que je pouvais recevoir de sa démence… Mais, si elle avait les périlleux élans de sainte Thérèse, il lui restait quelque chose des ignorances ineffables de l’enfance. Le mariage, ne lui ayant pas révélé l’amour, semblait parfois ne lui avoir rien appris, tandis qu’en d’autres moments la puissance de ses aspirations semblait avoir tout épuisé.

Je m’efforçai de redresser son jugement : je ne faisais qu’aggraver le mal ; elle cherchait dans chacune de mes paroles un sens détourné ; elle m’accablait d’arguties de sentiment d’une puérilité charmante et d’une perversité diabolique, elle voulait m’arracher le mot d’amour comme