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qu’il m’a effrayée de votre influence… Ne me demandez point d’autres explications. Au tribunal de la pénitence, vous m’interrogerez. Je vous dis seulement ici en toute sincérité que j’ai cru faire mon devoir en ne répondant pas à vos lettres et en consentant, après une lutte vaine, à hâter mon mariage, sans conditions, au gré du colonel.

« Hélas ! j’ai été bien punie de mon erreur ! Les embrassements de cet homme m’ont été odieux. Je ne savais rien du mariage, je ne pressentais rien, je ne devinais rien. Je croyais que l’amour conjugal était pure affaire de cœur, et qu’en échangeant ses pensées on arrivait à imposer une douce persuasion en même temps qu’à la subir. Je m’imaginais qu’ayant cédé ma main et perdu mon nom sans exiger de mon mari aucun engagement religieux, je l’amènerais à croire ce que je croyais ; mais quoi ! le lendemain du mariage j’avais perdu tout espoir d’ascendant sur lui : j’étais sa chose, Dieu ne pouvait plus me réclamer. Je n’avais plus qu’à partager sa vie, ses goûts, ses habitudes, à subir ses caresses et à me dire heureuse ou à me taire. Voilà ma désillusion, mon opprobre, mon désespoir. Je porte dans mon sein le gage de cette union terrestre qu’il plaît aux hommes d’appeler l’amour. J’espère et je désire mourir en mettant cet enfant au monde. C’est tout ce que mon mari voulait de moi ; ma vie, à contre-cœur enchaînée, ne peut lui être d’aucune utilité. Mais, sentant bien que Dieu daignera m’affranchir du supplice d’appartenir à un autre maître que lui, je veux qu’il ait pitié de moi, qu’il accepte les larmes de mon repentir et qu’il me reçoive dans sa grâce. C’est pourquoi je suis venue à vous. »

Les aveux de Blanche étaient un douloureux triomphe pour l’esprit de vérité qui parlait en moi. Il était bien évident que cette délicate créature formée pour le ciel