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jamais dans mes rêves, même involontaires, la figure de Blanche ne s’était mêlée aux fantômes de la tentation.

Je l’avais aimée avec l’âme, et pendant quelque temps mon âme fut comme brisée. Je ne sentais plus aucune ambition mondaine. Je demandai à m’effacer dans le clergé secondaire, à m’éloigner de cette province où j’avais trop souffert. Je fus appelé à Paris ; mais le colonel et sa femme y étaient sans que je m’en fusse informé. Un jour que je prêchais à l’église de ***, je vis Blanche au pied de la chaire. Je la vis sans trouble et sans joie. Je ne l’estimais plus ; je savais qu’elle avait tout cédé, et que le colonel continuait à nier Dieu et à braver l’Église. C’était sous Louis-Philippe. Il craignait d’être pris pour un légitimiste ; il voulait de l’avancement.

Après le sermon, comme je me retirais vers la sacristie, je vis que deux femmes me suivaient : l’une était Blanche, dont un voile de dentelle cachait mal la pâleur et l’émotion ; l’autre était une pieuse amie qui l’avait amenée au sermon ; elles demandaient à me parler.

Ce fut l’amie qui prit la parole.

« Je vous ramène, dit-elle, une brebis égarée. Elle est troublée dans sa foi ; elle souffre. Pendant quelque temps, elle a essayé de se rattacher au monde ; elle a échoué. Votre sermon vient de la rappeler à la religion. Elle veut vous ouvrir son cœur ; mais, avant de se confesser à vous, elle voudrait vous parler comme à un ami. Venez chez moi demain à onze heures du matin. Personne ne vous troublera. »

Je refusai. J’avais échoué dans la plus modeste de mes tentatives, celle de faire présider la plus simple des conditions chrétiennes au mariage de mademoiselle de Turdy. J’avais donc manqué d’ascendant et de persuasion. Elle devait choisir un guide plus éloquent et plus éclairé que moi.