Page:Sand - Mademoiselle La Quintinie.djvu/307

Cette page n’a pas encore été corrigée

M. Lemontier coupa la soie tout autour du sachet et en tira une grosse lettre, qui devint fort mince après le dépouillement de trois enveloppes épaisses. La première ne portait que ces mots : Pour être ouverte dans dix ans ; la seconde : Pour être lue le jour de la première communion de ma fille ; la troisième enfin, que M. Lemontier n’ouvrit pas, portait cette adresse bien lisible : À mon mari, le colonel La Quintinie.

« Voilà ce que j’avais prévu, dit-il, c’est une confession au véritable confesseur, une confession qui vous épouvante, et à présent, monsieur l’abbé, regardez-vous votre adversaire comme un ennemi sans délicatesse et sans générosité ? »

Moreali cacha sa figure dans ses mains et fondit en larmes ; puis, tendant ses deux mains humides et froides sur la table :

« Pardonnez-moi, dit-il, pardonnez-moi en chrétien et en philosophe !

— Je vous pardonne tout ce qui m’est personnel, répondit Lemontier ; mais je ne puis toucher vos mains en signe d’estime ou d’amitié, je les crois souillées d’un crime que ce repentir tardif ne peut expier en un instant.

— Monsieur Lemontier ! s’écria Moreali avec énergie, je ne suis pas si coupable que vous le croyez : Lucie n’est pas ma fille ! J’ai aimé sa mère avec passion, je l’aime elle-même comme l’enfant de mes entrailles spirituelles, mais je n’ai pas séduit madame La Quintinie, je n’ai manqué ni à mon vœu de chasteté, ni à mon devoir de confesseur et d’ami. S’il y a dans cette lettre dont vous prendrez connaissance, je le veux, une révélation contraire à la confession que je vais vous faire, cette révélation est l’œuvre du délire ; mais j’ai mes preuves, moi : elles sont là, dans ce bureau dont j’ai la clef, et je veux