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L’abbé, resté seul, se sentit baigné d’une sueur froide.

« Suis-je perdu, se demandait-il, ou ai-je seulement failli me perdre ? Le moment d’agir à tout prix est-il arrivé ? »

Il se demanda s’il consulterait le père Onorio, et il répondit :

« Non ! il ne comprendrait pas, il ne voudrait ou ne saurait… S’il me blâme… Ah ! quand j’aurai arraché ce fer de ma poitrine, je serai tout à Dieu et ne reculerai devant aucune pénitence. »

M. Lemontier trouva Henri à Turdy. On tint conseil. Lucie écrivit à son père pour lui dire qu’elle se soumettrait à de plus longues épreuves, pourvu qu’elle n’eût point à quitter son grand-père, qui n’était plus d’âge à se passer de ses soins. Elle ne parla pas de M. Lemontier, qui se réserva d’écrire lui-même au général dès qu’il pourrait lui fournir quelque preuve palpable des véritables intentions de l’abbé. On écrivit aussi à Émile de se rendre à la résidence militaire du général, de s’y faire voir, et de se tenir prêt à communiquer avec lui, si besoin était.

Après le dîner, le médecin ayant recommandé à M. de Turdy de faire un peu de promenade en voiture aux heures tièdes de la journée, Lucie et M. Lemontier l’emmenèrent du côté de La Motte et au delà, dans les gorges pittoresques qui conduisent aux riches plateaux herbus de Ronjoux, ombragés de châtaigniers séculaires. Henri, ayant à donner beaucoup de détails et d’instructions à Émile, resta à écrire dans la bibliothèque.

Quand la nuit le gagna, il se disposait à allumer les bougies ; mais il crut entendre des pas furtifs dans la galerie qui conduisait aux appartements de Lucie et de son grand-père, voisins l’un de l’autre et communiquant ensemble à l’intérieur. Cette galerie était parquetée, le