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Puis il tourna le dos et s’en alla prier, demander peut-être à son bon ami, le petit dieu de sa façon, une inspiration meilleure pour empêcher ce mariage, qu’il considérait comme un grand scandale religieux et comme un triomphe à arracher aux hérétiques.

M. Lemontier tenait enfin l’abbé tête à tête, et il tenait aussi le fond de sa pensée ; mais il fallait saisir la véritable cause de ses desseins, fanatisme ou terreur religieuse, affection trop vive ou rancune de prêtre envers Lucie. Un autre soupçon encore avait traversé son esprit ; mais il ne voulut pas s’y arrêter, craignant de céder à une interprétation préconçue de la conduite de l’abbé, et de perdre de vue l’objet plus pressant sur lequel Henri avait appelé la rectitude de son examen. Il profita de l’espèce de confusion où les paroles du capucin avaient jeté Moreali pour lui parler au contraire avec ménagement et douceur. Il lui dit qu’il avait assez fait pour seconder les vues du père Onorio et satisfaire sa propre conscience, et qu’il serait bien temps de songer aux malheurs qui pouvaient frapper M. de Turdy et Lucie dans cette lutte impitoyable. Il essaya d’émouvoir son cœur et d’y trouver ce qu’il contenait encore de sentiments humains, de quelque nature qu’ils fussent.

L’abbé fut impénétrable. S’il n’avait pas la hardiesse et la puissance d’initiative du capucin, il avait au besoin la réserve souveraine et opiniâtre du prêtre diplomate. Rien ne put l’entamer. Il plaignit en termes doucereux et glacés les chagrins auxquels s’exposait Lucie. Il prétendit avoir fait son possible pour concilier les devoirs de son ministère avec les exigences de la situation. Il conseillait à Lucie de se remettre avec confiance aux mains des saintes filles du Carmel, et même de s’exposer avec courage aux ennuis d’une retraite austère.

« Si elle est véritablement attachée à votre fils, ajouta-