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Le manoir est d’un beau style et de taille à figurer sans mesquinerie parmi les escarpements qui le portent et le dominent. Il est complètement inhabité, quoique en bon état de réparation extérieure ; mais probablement il faudrait, pour arranger l’intérieur, des dépenser trop considérables, et généralement les habitants du pays préfèrent accoler, au pied ou au flanc de ces vastes et incommodes constructions de leurs pères, des logis modernes à la mode anglaise ou suisse. Celui de Turdy est bas et occupe une ligne assez longue, avec des ailes en retour. Ombragé d’un gros massif de beaux arbres, il est comme caché et abrité par la forteresse, contre le couronnement de laquelle il s’appuie, tournant le dos au lac et ne regardant pas même en face de lui la muraille austère de la montagne, qui lui est cachée par les gros tilleuls du jardin.

En revanche, une large échappée de vue à gauche, sur la terrasse en demi-cercle de ce jardin, permet d’embrasser toute la vallée de Chambéry, à laquelle l’extrémité du lac sert de premier plan, et dont le profond horizon est fermé par les glaciers majestueux des grandes alpes de neige. Mais la vue générale du site est à prendre sur le toit plat du vieux château. De là, on voit s’ouvrir magnifiquement la gorge qui serre le lac, et on peut compter les nombreux plans et méandres de la vallée de Chambéry, large et long soulèvement bosselé, fouillé, craqué et disloqué dans tous les sens, et enfin affaissé dans son ensemble désordonné, au milieu du soulèvement resté debout des montagnes environnantes.

C’est un beau spectacle que celui de cette nature en ruine que décore une splendide végétation, vierge en apparence, bien que partout dirigée ou utilisée par la main de l’homme. Elle est si gazonnée, si arrosée, si lavée et si fraîche de ton, cette nature savoisienne, qu’on peut lui