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d’hier l’entendait mieux. Il nous a dit notre fait sans s’embarrasser d’être raillé ou jeté par les fenêtres. Il m’a fait rire ; mais, en me traitant de charogne et de fumier, il ne m’a point fâché, et il a emporté mon estime, tant la bonne foi est une belle chose ! »

L’abbé sentit le trait, il ne broncha pas, et chercha son chapeau pour se retirer.

« Encore un mot, monsieur l’abbé, dit le général, qui recommençait à s’effrayer de rester seul ; ne désiriez-vous pas un entretien particulier avec M. de Turdy ? Vous savez qu’il est assez bien portant pour s’y prêter, et qu’il ne refuse plus…

— Je sais que M. de Turdy a cette extrême bonté pour moi, répondit Moreali avec l’humilité hautaine dont il ne s’était pas départi un seul instant ; mais cet entretien serait sans objet à présent. Il m’accusait… de fanatisme. Je suis heureux de lui avoir prouvé par ma réserve et de lui montrer par ma retraite que je n’entends pas livrer bataille contre les opinions qui prévalent ici. »

Il salua et partit. M. Lemontier sentit que l’ennemi se dérobait. Il espéra un instant que cette défection rendrait le général plus traitable. Ce fut le contraire. On lui avait fait la leçon, il se monta pour en finir plus vite, et signifia à Lucie que sa décision était inébranlable. Lucie s’anima et déclara encore de son côté que, si elle n’épousait point Émile, elle ne se marierait jamais.

« C’est comme il te plaira, répondit le général irrité. Tu attendras ma mort, et, comme j’ai l’intention de ne pas finir de sitôt, tu auras le temps de faire tes réflexions. Je regrette que tout cela se dise devant vous, monsieur Lemontier. Vous l’avez voulu, je n’en suis pas moins votre serviteur ; mais je ne peux pas céder. Vous vous consulterez pour voir si vous pouvez céder vous-même. C’est l’unique solution possible. »