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Le général ne répondit pas. Il pensait à sa femme, que la peur de l’enfer avait tuée. Il se demandait à lui-même s’il y croyait. — L’image d’un démon armé d’une fourche se présenta devant lui ; il crut voir un Kabyle et chercha à son côté désarmé son sabre pour taillader ce gringalet. Puis il sourit, et dit à M. Lemontier :

« Non, je ne crois pas au diable ; c’est un épouvantail pour les capons ! »

Puis, un peu mortifié de cette concession où M. Lemontier l’avait entraîné, il reprit avec humeur :

« Mais tout cela est en dehors de nos affaires, monsieur Lemontier, et nous en avons de sérieuses à régler.

— Je le sais, général, et je suis venu ici pour m’entendre avec vous.

— Nous entendre, je ne demanderais pas mieux, sac-à-laine ! vous ne me déplaisez pas : vous me paraissez un homme bien élevé et de bon sens, Émile est un gentil garçon ;… mais c’est un exalté, et nous ne pourrons jamais nous entendre. Voilà, j’ai dit.

— Laissez-moi dire à mon tour.

— Qu’est-ce que vous pouvez dire ? Je vous connais bien… Je ne vous ai pas lu, je ne suis pas un savant ; mais on m’a parlé de vous, vous êtes aussi entêté que moi, vous n’abjurerez pas plus vos erreurs que je ne ferai fléchir mes croyances.

— Nous ne fléchirons ni l’un ni l’autre ; nous laisserons nos enfants complétement libres.

— Vous n’empêcherez pas ma fille de pratiquer ?

— Je m’y engage de la part d’Émile.

— Ah ! voilà quelque chose de gagné ! vous êtes plus sage que lui, je le disais bien ! mais…

— Mais quoi, général ?

— Vous la détournerez de ses devoirs ; vous y travaillez