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— Tenez, monsieur Lemontier, reprit le général en arpentant les allées à grands pas, je sais qu’il y a des exagérés ;… il y en a partout !… Vous êtes un libéral !… Vous savez bien qu’il y a des jacobins ?… On m’avait vanté ce moine comme très-éloquent…

— Il l’est.

— Il paraît, vous l’avez applaudi ; mais vous ne l’avez pas goûté pour ça, et ce n’est pas l’homme qu’il fallait. Je vais le renvoyer…

— Je doute que M. de Turdy y consente. Cette éloquence l’a diverti…

— Oui, c’est un athée, lui ! il a ri tout le temps ! Il ne faut pas que la religion prête à rire !

— Vous eussiez ri de même… si vos oreilles eussent été plus habituées à l’accent campanien du prédicateur.

— Ah ! il a un accent particulier, n’est-ce pas ? C’est donc cela que je perds un peu de ce qu’il dit ! Ah ça ! il a donc été… grotesque ?

— Oui, mais avec beaucoup d’esprit, et à dessein. Cette verve italienne soutenait son raisonnement. Il raillait les incrédules, les ambitieux, les chrétiens tièdes, tous ceux qui prétendent faire leur salut sans renoncer aux biens de ce monde et aux douceurs de la famille. Il les contrefaisait plaisamment, et, prenant ensuite les foudres du Dieu de Job, il les pulvérisait et les foulait aux pieds. Il appelait le diable à son aide, et Dieu commandait à Satan de torturer dans l’éternité ces âmes froides ou perverses. Il y avait du Dante et du Michel-Ange parfois dans sa vision de l’enfer. C’était fort beau, je vous assure, et j’aurai du plaisir à l’entendre encore.

— Ça ne vous fait donc rien, à vous ? vous ne croyez à rien ?

— Je crois en Dieu, général ; mais, pas plus que vous, je ne crois au diable. »