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homme du passé transporté au XIXe siècle, n’ayant plus sa raison d’être, chantait dans le vide, et l’écho de sa voix retournait sur lui-même sans rien ébranler de solide au dehors.

Il parla avec une grande abondance de cœur pourtant, car il avait personnifié Dieu à son image ; il s’entretenait avec lui d’égal à égal, tantôt avec une tendresse touchante, tantôt avec une trivialité comique. Il aimait ce Dieu de sa façon à l’exclusion absolue et complète de tout être réel. Il dialoguait avec lui à la manière des sibylles, répétant ses réponses sans nul souci de les rendre ridicules en les traduisant mal à l’assistance, se livrant à une pantomime comique parfois et parfois sublime de persuasion et de simplicité. Il a dit des choses admirables et des choses révoltantes. Il fut éloquent et puéril. Le vieux Turdy riait à son aise ; l’orateur n’y faisait pas la moindre attention. Le général admirait de confiance, devinant au geste et à l’inflexion apparemment que tout devait être magnifique. M. Lemontier était attentif, et, quand il y avait à louer, il laissait échapper un mot d’approbation qui étonnait grandement le général. Lucie était grave et triste ; elle sentait profondément le néant de cette doctrine de mort dont un représentant sincère et courageux lui disait le dernier mot. Elle avait traversé avec dégoût les transactions de mauvaise foi de la propagande, elle entendait maintenant la parole d’orthodoxie, le De profundis de l’humanité, la négation de la vie divine. On ne déserte pas sans un reste de frayeur et de regret l’autel refroidi dont on a longtemps couvé la flamme et guetté le réveil. Ce regret fut le dernier. Quand le capucin eut fini de prêcher le renoncement absolu, elle lui dit simplement :

« Je vous remercie, père Onorio, vous m’avez ramenée au vrai Dieu ! »