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« Non, non ! s’écria-t-il avec une véhémence effrayante, j’ai entendu, je vois, je comprends ! C’est la persécution religieuse dans ma maison, c’est le prêtre ! et quel prêtre ! l’abbé Fervet, car son nom vous a échappé. C’est l’ancien ennemi de ma famille, le confesseur et le mauvais génie de ta mère ! c’est l’ancien objet de la haine du général ! c’est le petit prestolet qu’il voulait et qu’il aurait dû pourfendre lorsque, grâce à son beau zèle, ma fille faisait à son fiancé les mêmes conditions qu’on veut te dicter vis-à-vis d’Émile ! Vous n’avez pourtant pas cédé, vous, mon gendre, et vous voulez qu’Émile fasse aujourd’hui une platitude à laquelle vous vous êtes refusé il y a vingt ans ? C’était sous Louis-Philippe, vous étiez voltairien comme le roi ! Vous avez refusé d’aller à confesse, mais vous avez transigé ; vous avez souffert que votre femme gardât ou reprît son confesseur. Je ne le connaissais que de nom, moi ! J’avais toujours fermé ma porte aux prêtres, vous leur avez rouvert la vôtre, comme si ce n’était pas assez de la liberté qu’ont nos femmes d’aller trouver ces hommes noirs et de s’épancher sans témoin avec eux ! Mais celui-ci a fait avec vous le bon apôtre, il a endormi votre prudence, et de plus en plus il a rendu ma fille exaltée et mystique. Elle s’est usée dans les austérités, elle s’est tuée par le jeûne et les prosternations, et, quand vous l’avez ramenée ici, mourante, avec ma petite Lucie, qu’elle n’avait pas pu nourrir, je vous ai dit : « Il est trop tard ! les prêtres m’ont tué ma fille ; vous êtes brutal et faible, vous êtes inconséquent, vous n’élèverez pas ma petite-fille. Ma sœur est pieuse aussi, mais elle est raisonnable et tolérante. Lucie est à moi, elle n’est pas à vous ! » Voilà ce que je vous ai dit, et vous avez cédé ; mais vous voilà dévot aujourd’hui, soit ! Qu’avez-vous à dire ? Lucie n’a été que trop pieusement élevée, puisqu’elle voulait être