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mais nous l’avons pressée de nous rassurer nous-mêmes sur le danger d’être séparés d’elle sans savoir où elle serait emmenée.

« Je trouverai toujours, a-t-elle dit, moyen de vous écrire ; d’ailleurs, je ne crois pas sérieusement à ce danger-là. J’ai mis tout au pire pour que vous ne soyez surpris de rien. Jusqu’ici, Émile, je ne vous avais pas dit combien mon père est irascible. C’est que, jusqu’ici, en lui résistant avec franchise, je m’étais toujours préservée ; mais tout à l’heure j’ai joué mon va-tout avec lui. M. Henri a cru que je triomphais parce que M. Moreali a quitté la place et parce que le général a dit : « Je cède. » Et moi aussi, je croyais avoir vaincu ; mais, un instant après, comme je l’embrassais dans l’escalier, comptant sur ces retours d’attendrissement qu’il avait autrefois, je n’ai pu lui arracher un mot de raison et de bonté,… et je ne suis plus sûre de rien ! »

Ces aveux de Lucie laissaient Émile dans un trouble extrême. Forcée d’aller rejoindre son grand-père, qui la faisait demander, elle ne pouvait nous expliquer le degré d’influence de Moreali sur le général, et nous ignorions de quel côté porter l’action principale. Mon avis était qu’Émile me laissât courir vers cet abbé pour le paralyser n’importe comment. Émile voulait se cacher dans le vieux château jour et nuit pour surveiller le général et pour préserver Lucie et le grand-père de dangers… peut-être imaginaires. Il ne le pouvait pas d’ailleurs sans risquer de compromettre Lucie. Nous ne trouvions plus d’autre parti à prendre que de courir après le général pour lui promettre qu’Émile quitterait le pays aussitôt que M. de Turdy serait hors de danger, sauf à vous laisser le soin de reprendre seul les négociations.

Nous allions repasser le lac, dont nous arpentions le rivage depuis quelque temps avec agitation, comme vous