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prenez l’initiative. Je ne peux rien trahir de moi-même, mais je ne peux pas non plus mentir. »

Nous nous étions compris.

« Avez-vous juré, lui dis-je, avez-vous seulement promis de ne pas trahir un secret qui vous a été confié ?

— J’ai promis de ne pas le trahir pour le plaisir de le trahir ; mais j’ai juré de vous dire la vérité quand vous me la demanderiez sérieusement.

— Cela me suffit, Lucie. Je ne vous demanderai rien que ceci : Avez-vous une grande, une complète estime pour M. Moreali ?

— Oui, bien que je ne sois plus d’accord avec lui sur quelques points qui touchent à la pratique de la vie.

— Est-il au moins le représentant de vos idées sur tout ce qui touche au dogme ?

— Non, pas à présent.

— Il n’est donc pas orthodoxe selon vous, ou c’est vous qui ne l’êtes pas selon lui ?

— Ô orthodoxie ! s’écria Lucie avec un sourire mélancolique, où te trouve-t-on sur la terre, et quelle âme peut se vanter de te posséder !

— Toute âme qui aime, répondis-je.

— Oui, vous avez raison ! s’écria-t-elle vivement ; on ne trouve pas Dieu dans le sommeil du cœur et dans la solitude de l’esprit ; j’arrive à croire qu’il se révèle à qui le cherche dans la pensée d’un grand devoir et d’une grande affection. Que je me trompe ou non selon les autres, je sens une confiance que je n’ai jamais eue, du courage, du calme et de l’énergie dans tout mon être. On dira ce qu’on voudra, je comprends ce que je ne comprenais pas. Mes horizons s’agrandissent ; les pratiques puériles, les choses d’habitude et de forme extérieure deviennent une gêne entre Dieu et moi. La nature, embellie tout à coup, s’ouvre devant moi comme un temple où